La liturgie est le langage partagé de la communauté.
Tout en créant une atmosphère de recueillement (souvent un peu anesthésiante), elle poursuit trois objectifs : créer la communauté spirituelle entre les participants, leur enseigner la Parole reçue de Jésus et intérioriser chacun dans une prière personnelle s’exprimant collectivement. Ce n’est pas une simple commémoration, elle doit faire vivre le mystère aujourd’hui dans une perspective eschatologique.
Ce langage pour évoquer la transcendance utilise des symboles dont il faut connaître le sens, sinon, ils restent dans le folklore : qui sait que la chasuble était un vêtement de fête du monde romain … qui s'était perpétué avec le "costume du dimanche" ?
Elle doit trouver un équilibre dans un ensemble très complexe puisqu’elle doit concilier des critères multiples :
- lier le rationnel de l’intelligible et l’irrationnel du mystère,
- utiliser à la fois le langage fermé pour enseigner et ouvert pour suggérer le divin,
- prendre en compte la psychologie pour aider chacun des participants à descendre en lui-même et la sociologie pour inciter la communauté à sentir son unité,
- la durée de l'office : suffisante pour que quelque chose advienne, mais pas trop pour ne pas épuiser,
- tous les arts à la fois pour célébrer la beauté de Dieu et pour aider à entr’apercevoir l’au-delà : musique, chant, peinture, vitraux, sculpture, broderie, tapisserie, reliure, orfèvrerie, architecture, littérature, rhétorique, mise en scène, mobilier, … ,
- diverses techniques sont utilisées pour mobiliser tous les sens : sonorisation, éclairage, encens, baiser de paix, manducation,
- rappeler des événements du passé advenus dans une culture disparue pour vivre intensément le moment présent afin d'orienter les actions du futur,
- le corps est appelé à des positions diverses (debout, assis, bras écartés) et plus largement tous ses sens sont sollicités tout en sachant que l’immobilité et le silence sont propices à la méditation,
- son introduction au surnaturel n’empêche pas le recours à des éléments très matériels : pain, vin, huile, cendres, encens, … ,
- si elle est majoritairement en français, elle peut garder des réminiscences d’hébreu, grec ou latin,
- la prière peut être de demande ou de louange,
sans oublier la dimension économique de la quête …
Beaucoup de ses rites et textes actuels du monde catholique romain ont été conçus dans la logique d’une culture de royauté (au temps des Carolingiens) voire de pouvoir temporel de l’église … ce qui explique un vocabulaire triomphant assez éloigné de celui des évangiles. Les confessionnaux datent du XVI siècle, l’élévation du XIII, le canon romain du V, la communion fréquente du XX, les litanies du VIII.
C’était aussi une époque où la quasi-totalité des assistants étaient à peu près complètement ignares. La messe était le seul moment hebdomadaire qui sortait de l'ordinaire : ils assistaient à une belle cérémonie un peu mystérieuse et magique. Le prêtre faisait partie des quelques lettrés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui dans de nombreuses régions, d’où le passage de la notion d'assistant à celle de participants dont les exigences intellectuelles sont tout autres … tout en ayant le même besoin d’être conduit au surnaturel.
Des approches différentes existent dans d’autres rites issus d’autres églises primitives (copte, éthiopienne, … ). L’adoration eucharistique est inconnue en orient
Le prêtre était perçu comme un chef naturel … qui n’a plus beaucoup de sens dans une démocratie évoluée. Dans les années cinquante, les prêtres se désespéraient de voir des fidèles se rendre chez des psys plutôt qu'auprès d'eux.
Il y a des liturgies spécifiques pour les grands moments de la vie (baptême, mariage, mort), mais aussi celle périodique des dimanches … pour lesquels il faut éviter la monotonie. Les autres sacrements ont aussi leur liturgie propre.
Dans la liturgie, le célébrant s’adresse tantôt à l’assistance, tantôt à Dieu : le ton et la posture ne doivent pas être les mêmes.
Le niveau de culture plus élevé explique peut-être que les personnes étant plus autonomes et plus maîtres de la conduite de leur vie ressentent moins le besoin de prière collective … ce qui ne préjuge pas de leur foi.
L’hermétisme, dans la culture d’aujourd’hui, de beaucoup de symbole (à ne pas confondre avec une expression de type artistique) de la liturgie doit être combattu soit en introduisant de nouveaux signes chargés de sens (cf. Taizé ou les JMJ ou l’affluence dans les monastères) soit en arrivant à refaire connaître la signification de ceux qui sont utilisés. Moderniser en gardant le meilleur de la tradition.
Toutes les cultures ont élaboré une liturgie. Le monde cultivé peut-il s’en passer ou du moins la célébrer d’une manière moins formaliste et surannée ?
En résumé : Les oppositions sur la liturgie romaine me laissent toujours pantois. Celle-ci n'est qu'un langage destiné à faciliter l'entrée en communication avec Dieu. Il devrait s'agir d'un problème de forme, mais pour le pape François, il s'y "sous-perpose" une couche de fond.
A dire vrai, les deux formes en cause me paraissent encore beaucoup trop inspirée des rites rendus aux maitres de ce monde, que ce soit les empereurs romains (Constantin) ou les rois du XVIe.
Jésus a-t-il jamais demandé ce genre de geste de la part de ses disciples ? A-t-il jamais procédé ainsi lorsqu'il prie son père ?
Des rites sont nécessaires à beaucoup pour exprimer ce qu'ils ressentent faute d'avoir les mots pour les extérioriser, mais alors, il faut utiliser des rites qui ont du sens aujourd'hui en abandonnant ceux qui sont devenus obsolètes … avec le souci d'une compréhension universelle : vaste défi !
La liturgie est un langage dont la finalité est de nous aider à communiquer avec la Trinité. Cela lui impose d'être belle pour être un reflet de la "beauté" de Dieu et compréhensible par tout humain. La première contrainte est mise en œuvre par l'emploi de toutes les disciplines de l'art (musique, joaillerie, tissus, architecture, … ) et la deuxième par l'usage d'un langage, certes ouvert pour suggérer plutôt que vouloir démontrer par une langue fermée, mais aussi actualisé (et là, il y a souvent du chemin à faire pour se dégager des pompes impériales et royales et de mots fleuris qui ne signifient plus grand-chose … ).
Si, seul un nombre limité de jeunes participe à la messe, c'est pour une bonne part que le "langage" qui y est utilisé ne signifie rien pour les absents.
Il ne faut pas que la forme de la liturgie arrive à masquer le sens qu'elle veut faire passer.