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Abelard a longtemps développé une "théologie de la raison ou scolastique". Bernard de Clairvaux était un maitre de la "théologie du cœur ou monastique". Les deux hommes se sont affrontés, car il semblait que la raison était jugée supérieure à la foi.

En fait, je crois qu'il y a juxtaposition des deux : la raison doit pousser le plus loin possible la compréhension des mystères, mais en sachant que leur cœur même lui échappera. De son côté, les expressions de la foi doivent rester ouvertes à des formulations plus exactes : en somme des dogmes adaptables.

Cette juxtaposition permet de comprendre comment on peut être un "agnostique croyant".

  • Agnostique parce que face au mystère, les réponses plausibles que l'on peut apporter sont souvent multiples et du type indécidables, c'est-à-dire indémontrables et irréfutables : on est dans le monde du peut-être où il n'y a pas de certitude. Intellectuellement, on hésite légitimement entre peut-être que oui et peut-être que non.

  • Croyant, car la grâce peut s'adresser directement au cœur en suscitant une conviction profonde et solide (avoir la foi !) … tout en sachant que ce n'est pas une certitude (c'est d'ailleurs un signe de notre liberté). Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas …

La raison n'est pas au-dessus de la théologie, mais contribue à en éclairer des franges. Cette dernière doit admettre que les progrès de la raison (dont la science) peuvent remettre en cause l'expression d'une croyance, voire celle-ci, telle, par exemple, la mort qui serait apparue par la faute du premier homme base de la théorie du péché originel … ce qui n'est pas vrai.

Abélard et Bernard de Clairvaux étaient partiellement dans l'erreur : le premier, car il ne percevait pas assez les limites de la raison face aux vérités indécidables, le second, car il prenait, me semble-t-il, ses convictions pour des certitudes.

Ces deux approches de la vérité peuvent cohabiter au sein d'un même individu … c'est mon cas. Certains pourraient penser que c'est une situation stressante, j'y vois plutôt un indice de la véracité de l'affirmation (indécidable) que de Dieu n'émane que de l'Amour pour ses créatures, donc respecte leur liberté : il s'impose de laisser sa place au doute.